dimanche 20 juillet 2014

Le régime volontaire d'épargne-retraite, une bonne idée ou pas?

Vous avez probablement vu cette publicité à la télé, vantant l'arrivée du régime volontaire d'épargne-retraite (RVER). Sinon, vous pouvez l'écouter juste ici.



On se retrouve donc avec un nouvel acronyme dans le paysage de la planification de la retraite au Québec. Le RVER se veut une façon pour les entreprises d'offrir un régime de retraite à faible coût. L'employé est automatiquement inscrit au régime et cotise directement sur sa paye. L'employeur peut également cotiser au régime de son employé pour augmenter son fonds de retraite. Le régime est géré par une institution financière.

Le RVER sera obligatoire pour toute entreprise de cinq employés et plus qui n’offre pas d’autres régimes de retraite. L’employé sera inscrit dès son embauche mais pourra se désister. Le régime sera également accessible aux travailleurs autonomes.


1. Les avantages du RVER

a) Lorsqu'un employeur offre un RVER, tous les employés admissibles sont inscrits automatiquement. Il n'y a aucune démarche à effectuer de la part de l'employé.

b) Les cotisations au RVER sont prélevées directement à la source. Elles sont ainsi déduites du salaire au moment de la paye, ce qui implique que les économies d'impôt sont immédiates. C’est la même chose pour le REÉR lorsqu’il est déduit à la source.

c) Il existe un taux de cotisation par défaut pour l'employé : 2% du salaire brut jusqu'à la fin de 2017, puis 3% en 2018 et 4% à partir de 2019. Toutefois, l'employé peut à tout moment changer son taux de cotisation. Il peut l'augmenter, le diminuer ou même le réduire à zéro.

d) C'est un régime que l'on dit "peu coûteux". En effet, la Loi sur les RVER a établi une limite supérieure aux frais de gestion des produits financiers qui pourront être vendus dans le cadre du régime (1.25 à 1.5% - Source). Par opposition, la plupart des produits offerts par les banques ont souvent des frais de gestion supérieurs à 2%.

e) L'employeur peut cotiser au RVER de ses employés. Ces cotisations sont alors immobilisées, c'est-à-dire qu'on ne peut les retirer avant la retraite.

f) Pour les employeurs, le RVER devient une façon d'attirer de nouveaux employés ainsi que de diminuer les impôts sur leur masse salariale.


2. Les inconvénients du RVER

a) Avoir des frais de gestion de 1.25% c'est bien, mais quand on sait que plusieurs produits financiers (ex: les fonds indiciels négociés en Bourse) peuvent avoir des frais bien en-deça du 1%, on peut considérer que la notion de "peu coûteux" est arbitraire.

b) Par ailleurs, l'institution financière qui gère le RVER n'offrira que de 3 à 5 choix de produits financiers. La liste est donc beaucoup plus restreinte que lorsqu'un individu gère différemment son portefeuille de retraite. De plus, la gestion du portefeuille est sous la responsabilité de l'institution financière, qui peut choisir de gérer activement celui-ci, ce qui pourrait entraîner des coûts additionnels (transactions, mauvais choix de placements, etc.)

c) C'est ici que le mot "volontaire" prend son sens : l'employeur peut cotiser au RVER... ou pas. Rien n'oblige l'employeur à cotiser et il peut changer son taux de cotisation à tout moment. Par exemple, pour attirer de nouveaux employés, une entreprise pourrait offrir 4% de cotisation au RVER, puis annuler sa contribution durant une période financière difficile.

d) Tout comme le REÉR, le RVER doit obligatoirement converti en fonds enregistré d’épargne-retraite (FEÉR) à 71 ans. (Le FEÉR, c’est comme un REÉR mais il faut retirer l’argent plutôt que l’accumuler). Un certain pourcentage minimum doit alors être par année, sous peine de pénalités. Si le retrait minimal augmente votre revenu net au-dessus d’un certain seuil, les subventions de certains programmes d’aide gouvernementaux peuvent être diminuées, voire coupées complètement. Ceci concerne notamment les programmes suivants, qui ont chacun leur seuil :

- Sécurité de la vieillesse
- Supplément de revenu garanti
- TPS/TVQ
- Crédit pour la solidarité

Voici un exemple. Supposons que vous ayiez 75 ans : le gouvernement vous oblige alors à retirer presque 8% de votre FEÉR durant l’année (Source), ce qui augmente votre revenu d’autant. Si votre revenu net total est inférieur à 71 500$, vous recevrez la subvention maximale de Sécurité de la vieillesse, soit environ 560$ par mois. Pour chaque dollar de revenu additionnel, 15 cents sont retirés de votre subvention annuelle. Celle-ci tombe alors à zéro lorsque vous avez un revenu total net d’à peu près 116 000$. (Pour les chiffres exacts, voir sur le site de Services Canada.)

D’un côté, vous avez donc un désavantage qui prend la forme d’une taxe de 15% sur l’argent que vous retirez de votre FEÉR. D’un autre côté, peu de retraités ont des revenus de cet ordre : environ 5% des retraités au Canada reçoivent une pension diminuée, alors que 2% n’en reçoivent pas.



3. Verdict

Est-ce que le RVER s'adresse à tous les travailleurs qui n'ont pas de régime de retraite?  En se basant sur les données du Centre québécois de la fiscalité, un expert est arrivé à la conclusion suivante :

«Le RVER est avantageux seulement pour les contribuables qui vivront en couple à la retraite, qui recevront à eux deux plus de 18 000 $ de la Régie des rentes et dont le revenu total à la retraite dépassera 60 000 $. Tous les autres seront perdants.» 
- Jean-François Robert, représentant de courtier en épargne collective

Le RVER est donc un produit qui s'adresse à une portion très restreinte de la population québécoise. Pour les travailleurs à faible revenu, il pourrait être plus approprié de cotiser à un CÉLI. En effet, à la retraite, les retraits du CÉLI ne sont pas considérés comme un revenu et n’ont donc pas d’impact sur les prestations gouvernementales.

Dans la publicité télé présentée plus haut (lien YouTube), le RVER est malheureusement proposé comme étant une solution au problème d'endettement des Québécois. On y parle de difficulté à mettre de l'argent de côté avec les factures et les dépenses qui arrivent "à l'improviste". La notion de RVER est alors davantage vendue comme étant une façon automatisée d’épargner.

Je ne dis pas qu'il n'y a pas de bénéfice à automatiser son épargne, bien au contraire. Je pense toutefois qu'il est possible de le faire par soi-même, sans avoir besoin d’une tierce partie qui en prend la responsabilité.

En somme, le RVER ne convient pas à tout le monde. Cependant, il peut être une solution pour ceux et celles qui désirent épargner de façon simple et automatique. Les cotisations de l’employeur sont un avantage qu’on ne retrouve pas dans le REÉR habituel. Il reste à voir si les produits offerts par les banques seront bien adaptés à la réalité financière des travailleurs. Seul le temps le dira…

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